Du Minyan réel au Minyan virtuel

Pourquoi un minyan?

Cette obligation du minyan n’est pas énoncée dans la Torah. Le texte invoqué est celui de Lévitique 22:32: et Je serai sanctifié au sein des enfants d’Israël.
Le minyan, en tant que groupe constitué en un seul lieu, rappelle le sacrifice pascal qui devait être consommé par les personnes présentes physiquement dans une même maison (Exode 12. 46). Ce moment fut constitutif pour le peuple d’Israël. Et rabbi Yehoudah a dit au nom de Rav que ce qui fut obligatoire pour le sacrifice pascal l’est également pour la prière (B Pes 85b).
Pour le rabbin Avram I Reisner (Conservative), les rabbins cherchaient ainsi à créer le sentiment de communauté de destin à l’ensemble des Juifs. Il devint habituel de réunir dix hommes pour l’énoncé des devarim bikedouchah/paroles de sanctification (Barekhou, Kedouchah, Kaddich et lecture de la Torah considérée comme le verbe divin).

Quelques dérogations

Une personne qui se tient hors de la synagogue mais voit et est vue à travers la fenêtre, compte dans le minyan (Ora’h ‘Hayim 55.14). Si certains se tiennent à l’intérieur de la synagogue et les autres à l’extérieur, si l’officiant se tient sur le seuil et est vu des uns et des autres, le minyan est constitué (idem15).

Pourquoi 10?

Plusieurs références sont données.
Il s’agirait des 10 hommes évoqués par Abraham lors de sa discussion avec Dieu pour sauver Sodome et Gomorrhe de la destruction (Genèse 18.19) ou des 10 Explorateurs. Suite à leur rapport négatif, le peuple d’Israël ne suivit pas l’avis de Josué et de Caleb, et refusa d’entrer en Canaan dès la deuxième année après la Sortie d’Egypte (Nombres 13.25 – 14.5).
D’autres nombres furent envisagés. La Michnah (Soferim 10:6) énonce que six ou sept hommes peuvent constituer le minyan. Selon le Talmud, neuf hommes le constituent lorsqu’ils ont un Sefer Torah avec eux, ou en présence d’un mineur (B Berakhot 47b). Dans le Choul’han Aroukh, neuf hommes en constituent un en présence d’un esclave ou d’une femme (Beit Yosef, Ora’h ‘Hayim 55). Faut-il rappeler que pour nous, les femmes comptent dans le minyan au même titre que les hommes.

Un minyan virtuel est-il valide?

Il y a moins de 10 ans, cette question se posait déjà.
Pour les rabbins du CCAR (Conseil des rabbins libéraux), la réponse était négative (voir https://www.ccarnet.org/ccar-responsa/minyan-via-internet/). Selon cette Responsa (réponse halakhique), la présence effective au même endroit de dix personnes est requise.
A la même époque, le rabbin Avram I Reisner (Conservative, voir: « Wired to haKadosh Barukh Hu: Minyan by Internet) ) modulait différemment sa réponse. Voici la partie qui nous concerne:

On distingue… une hiérarchie claire des préférences. Il est de très loin préférable d’assister à un minyan, pour vivre la proximité relationnelle qui se crée ainsi et pour laquelle il a été pensé et qui n’est possible que de cette façon. Moins désirable, mais plus proche de la fréquentation d’un minyan proprement dit, est la connexion audio-vidéo bidirectionnelle en temps réel, dans laquelle chacun est capable de converser avec les autres personnes du minyan, de les voir et d’être vu par elles. Ce n’est que dans des circonstances rares ou urgentes que l’on peut adopter la troisième méthode, et la moins souhaitable, l’obligation de prier avec un minyan en s’attachant à ce minyan via un véhicule audio à sens unique, essentiellement les entendre comme une personne se tenant à l’extérieur de la synagogue.
En ce qui concerne le Kaddish de deuil, un membre du minyan doit réciter le kaddish, mais un participant se tenant dans un endroit éloigné peut le réciter avec lui… Il n’y a aucune obligation de rechercher des possibilités supplémentaires pour réciter le kaddish, et cela devrait être découragé.
Pour remplir les obligations limitées dans le temps, les prières doivent être offertes pendant la période requise…

Suite aux décisions concernant le confinement, de nombreux rabbins libéraux ont à nouveau posé la question à la Commission halakhique du CCAR.
Voir: https://www.ccarnet.org/ccar-responsa/5780-2/
Voici un résumé de leur décision:

Tant qu’il y a dix personnes connectées de manière interactive, un nombre quelconque de personnes supplémentaires peuvent également être « présentes » passivement, via la diffusion en direct…
Nous affirmons que celui qui regarde un flux en direct doit toujours répondre à toutes les prières; et cela revient à les avoir récités.

Que conclure aujourd’hui?

Dina deMalkhouta dina. Nous vivons une période inédite et devons prendre une décision temporaire horaat hashaah. Celle-ci doit tenir compte des obligations découlant des lois et des règlements énoncés par nos gouvernants. Comme cela a été rappelé (Communiqué de KEREM du 16 mars 2020), Dina demalkhouta dina: la loi du pays est la loi), nous devons suivre les directives des organes responsables de nos pays.
Quels moyens? Ne pouvant nous réunir dans nos synagogues, tout moyen mis en place par celles-ci doit être utilisé par les membres de ces communautés désireux de remplir leurs devoirs religieux.
La lecture de la Torah On peut utiliser un livre et tous peuvent dire une bénédiction. Si un minyan est constitué localement ou en interaction, les bénédictions usuelles avant et après la lecture peuvent être prononcées. Sinon, la suivante peut l’être:

בָּרוּךְ אַתָּה יהוה הַמְלַמֵּד תּוֹרָה לְעַמּוֹ יִשְׂרָאֵל
Béni sois-Tu Eternel notre Dieu, qui enseignes la Torah à Ton peuple Israël.

Les rabbins de KEREM sont attachés à une vision évolutive et dynamique du judaïsme. Ils œuvrent pour le développement d’un judaïsme fidèle à la Tradition et ouvert au monde d’aujourd’hui.